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> " Est-ce que je te demande si ta grand-mère fait du vélo ? " ✎ Jean-Paul Gazeau
En effet son auteur, Albert Willemetz, séjourna plusieurs étés à Royan dans les années 20. Il fut notamment propriétaire de la villa Aigue Marine (100 boulevard Garnier). On n’a aucune peine à imaginer que ces paroles lui ont été inspirées par un Charentais Inférieur (gentilé des autochtones à l’époque) agacé par les questions incongrues et indiscrètes de baignassouts :
-
Et en hiver,
vous vous ennuyez pas trop ?
-
Pourquoi la
mer est marron sale à Royan ?
-
Pourquoi on
vous appelle les cagouillards ?
-
On m’a dit
que les Charentais avaient inventé le pineau parce que leur vin était
imbuvable ?
-
Est-ce –que
c’est vrai que les Charentais ont le melon ?
-
C’est vrai
que les Charentaises sont pantouflardes ?
-
Pourquoi on
vous appelle les culs salés ?
-
Pourquoi
vous dites poche pour un sac en papier ?
-
Pourquoi
vous dites chocolatine au lieu de pain au chocolat ?
-
Pourquoi
vous dites tantôt pour cet après-midi ?
- Pourquoi vous passez la since et pas la serpillière ?
Albert Willemetz
est un célèbre parolier et librettiste des Années Folles ayant commis d’inénarrables
chefs d’œuvre de la « poésie française » qui sont restés dans la
mémoire collective : Mon homme, Dans la vie faut pas s’en faire, Si vous connaissiez
ma poule, Ramona, Sous les palétuviers, Félicie aussi, C’est une gamine
charmante, etc.
« Est-ce que je te demande si ta grand-mère fait du vélo ? » est une ritournelle extraite d’une opérette « Trois jeunes filles nues » dont la musique est de Raoul Moretti qui fréquenta lui aussi Royan, invité à « Aigue Marine » par Albert Willemetz.
Parmi les hôtes
d’Aigue-Marine figurait également le compositeur André Messager qui fit appel
aux talents de librettiste d’Albert Willetz pour deux de ses opérettes :
« Coups de roulis » et « Passionnément ». La fille d'André
Messager, Madeleine, dite Bibi, fut l'épouse du photographe Jacques-Henri
Lartigue qui immortalisa sur la pellicule les Années Folles à Royan.
Bien entendu, le meilleur ami d’Albert Willemetz, Sacha Guitry, et sa femme, Yvonne Printemps, étaient régulièrement invités à Aigue Marine. Yvonne était connue pour être légèrement nymphomane, Sacha souffrait de troubles érectiles. Ils ont sans doute tenu ce savoureux dialogue alors qu’ils se promenaient sur la plage de la Grande Conche :
-
Lui :
« Yvonne chérie, quand vous serez morte, on dira enfin froide ! »
- Elle : « Sacha chéri, quand vous serez mort, on dira enfin raide ! »
Guitry fut le librettiste de l’opérette de Messager « l’Amour Manqué » dont ce couplet délicieusement licencieux illustre la bonne humeur qui régnait alors à Aigue Marine :
Un seul amant, c'est ennuyeux
C'est monotone et soupçonneux
Tandis que deux
C'est vraiment mieux
Les deux copains d’enfance Guitry et Willemetz ont bien entendu marié leurs talents dans quelques revues (Il faut l’avoir, A vol d’oiseau, Revue de Printemps, Exposition de Noirs, etc.) et chansonnettes (Si l’on savait avant, A l’abreuvoir, Quand je sors le p’tit, etc.). On ne buvait pas que de l’eau à Aigue Marine ! On imagine volontiers les deux compères en train d’affuter leurs saillies lors de soirées bien arrosées :
- Sacha : « Le
meilleur moyen de faire tourner la tête à une femme, c'est de lui dire qu'elle
a un joli profil. »
- Albert : « C'est
souvent avec une femme idiote qu'on peut vivre en bonne
intelligence »
- Sacha : « Depuis que j'ai une maîtresse que j'aime, je n'ai plus envie de
tromper ma femme. »
- Albert : « En
amour, il n'y a que le premier faux pas qui coûte ».
- Sacha : « Il
y a deux sortes de femmes : celles qui sont jeunes et jolies et celles qui
me trouvent encore bien ».
- Albert : « Le
golf est, pour ceux qui ont fait leur chemin, l’amusement d’accomplir
encore un parcours. »
- Sacha : « Il va
falloir qu'un jour enfin je me décide à lire les livres que, depuis trente
ans, je conseille à mes amis de lire.» (c’était bien avant la création des
Rendez-vous littéraires de Royan !).
- Albert : « Le mariage est une patience
qui peut devenir une réussite. »
- Sacha : “Citer les pensées des autres, c'est regretter de ne pas les avoir trouvées soi-même.” (ça c’est ben vrai !)
Autre pote de
Willemetz ayant fréquenté Royan et la villa Aigue Marine, Henri Christiné avec
lequel Albert Willemetz composa plusieurs opérettes dont « Dédé »,
surtout connue pour sa fameuse rengaine
« dans la vie faut pas s’en faire »,
paroles sans doute inspirées par la nonchalance des Charentais.
Henri Christiné fit construire une villa à Pontaillac qu’il baptisa « Phi-Phi » (petit nom du sculpteur Phidias) comme son opérette à succès (paroles de Willemetz) et d’où est tirée la chansonnette « c’est une gamine charmante » :
C'est une
gamine charmante, charmante, charmante,
Qui possède
une âme innocente, innocente.
En elle tout est poésie, poésie,
Elle répond au joli nom d'Aspasie.
Pour terminer, un
couplet de « je te demande si ta grand-mère fait du vélo » qui vous
permettra, notamment quand les baignassouts seront de retour, d’écarter les
fâcheux, les indiscrets et autres casse-pieds :